JO 2024 : Le « big bang » de la procédure des candidatures

En janvier dernier, le Comité International Olympique (CIO) ouvrait une nouvelle phase dans le cadre de la procédure des candidatures, avec le lancement d’une invitation à destination des villes intéressées par l’organisation des Jeux d’été de 2024.

Depuis, les villes déjà déclarées ont envoyé des délégations à Lausanne (Suisse) afin de dialoguer et d’échanger avec les responsables de l’institution. Paris a notamment fait le déplacement en juin dernier et Rome, courant juillet.

Mais cette phase ne préfigure pas pour autant l’ouverture effective de la procédure, à compter du 15 septembre. A cette date, les villes qui auront déposé leur lettre d’intention au siège du CIO, seront considérées comme candidates.

C’est à partir de ce moment que les choses sérieuses débuteront et que la procédure influera sur les stratégies des villes.

Le Président du CIO, Thomas Bach (Crédits - CIO / Ian Jones)
Le Président du CIO, Thomas Bach (Crédits – CIO / Ian Jones)

Ainsi, le CIO a annoncé la semaine dernière la suppression du principe de « short-list ».

Jusqu’à présent, les villes qui débutaient la course olympique – les Villes dites Requérantes – étaient départagées quelques mois plus tard par la Commission exécutive du CIO. Cette dernière sélectionnait alors trois ou quatre villes pour poursuivre et terminer l’aventure et ce, sur la base d’une première évaluation technique.

Désormais, les villes qui prendront la ligne de départ iront jusqu’à la ligne d’arrivée, sauf si l’une d’entre-elles se désiste entre temps ou si la Commission exécutive procède à une intervention exceptionnelle.

Si ce changement s’apparente à une simple mise à jour de la procédure, il constitue en réalité une véritable révolution.

D’une part, les villes auront à présent la possibilité d’apposer les anneaux olympiques à leurs support de communication, chose qui jusqu’à présent n’était réservée qu’aux villes ayant franchi le cap de la Commission exécutive et ayant pris la dénomination officielle de Villes Candidates.

Cette considération n’est pas anodine. La marque olympique étant visuellement connue et reconnue, les Villes Candidates pourront utiliser cette image pour promouvoir leur candidature et leur projet.

A titre d’exemple, la réalisation d’un immense logo humain aux couleurs olympiques et en forme d’anneaux olympiques pourra désormais être possible. C’est d’ailleurs l’un des axes de communication que souhaite développer Hambourg (Allemagne), le 25 octobre 2015, dans le cadre de sa candidature aux JO 2024.

D’autre part, les villes vont se retrouver ensemble durant deux années et devront s’attacher à respecter non plus deux phases mais trois. Ainsi, même si la suppression de la « short-list » sera effective en 2016, les Villes Candidates devront franchir trois paliers établis par le CIO :

  • 1ère phase : Explication du concept,
  • 2ème phase : Apport des garanties (financières…),
  • 3ème phase : Explication du projet et communication internationale.

Ces différentes modalités étaient déjà présentes dans la précédente procédure mais elles sont aujourd’hui précisées et surtout instaurées en règle d’or par le CIO.

La 128e Session du CIO réunie la semaine dernière à Kuala Lumpur, en Malaisie (Crédits - CIO / Ian Jones)
La 128e Session du CIO réunie la semaine dernière à Kuala Lumpur, en Malaisie (Crédits – CIO / Ian Jones)

Enfin, le changement dans la procédure des candidatures aura inévitablement un impact sur deux aspects clés des candidatures : le financement de ces dernières et la présentation finale devant les membres électeurs de l’institution olympique.

De fait, les Villes Candidates devront travailler judicieusement l’élaboration et la gestion de leur budget de candidature respectif et ce, afin de tenir le nouveau rythme imposé et de proposer une stratégie performante tout au long des trois phases désormais établies.

Cela ne veut pas nécessairement dire que les budgets seront plus élevés qu’auparavant, bien au contraire au regard des déclarations des responsables de la maison olympique, mais qu’ils seront davantage axés sur des points majeurs et stratégiques.

Les choix qui seront donc fait par les candidatures seront particulièrement intéressants à analyser… à l’issue de l’élection de la Ville Hôte. Cette analyse pourrait ainsi permettre de comprendre – en partie – le résultat final.

Mais surtout, la présentation ultime des projets devrait prendre une nouvelle tournure.

Vue de la Salle de Présentation et d'Annonce (Crédits - CIO / Ubald Rutar)
Vue de la Salle de Présentation et d’Annonce (Crédits – CIO / Ubald Rutar)

Jusqu’à présent, trois, quatre ou cinq Villes Candidates se succédaient à la tribune. Dès maintenant, elles pourront être deux fois plus nombreuses, ce qui aura des conséquences d’une part sur la perception des projets par les membres du CIO – il faudra en effet se démarquer le plus possible de ses concurrentes, d’autant plus pour la Ville présentant son projet en premier – et d’autre part sur le scrutin olympique.

En fonction du nombre de candidatures, le vote pourrait débuter par une répartition de voix relativement faibles entre les Villes. Les surprises ne seront donc pas à écarter et le statut de favorite devant l’opinion publique et les médias n’aura rien d’une garantie sur le plan des voix.

En 2001, lors du premier tour du scrutin pour l’attribution des JO 2008, Pékin (Chine) avait décroché 44 voix contre 20 pour Toronto (Canada), 17 pour Istanbul (Turquie), 15 pour Paris (France) et 9 pour Osaka (Japon). Cette donne paraît désormais quasi-impossible à réaliser face à six ou sept autres candidatures.

En 2005, Londres (Royaume-Uni) avait débuté le scrutin avec 22 voix, contre 21 pour Paris (France), 20 pour Madrid (Espagne), 19 pour New York (États-Unis) et 15 pour Moscou (Russie).

Un tel écart entre les candidatures pourrait devenir une règle au regard des nouvelles modalités olympiques.

Le Président du CIO, Thomas Bach, lors de l'annonce de la Ville Hôte des JO d'hiver 2022 (Crédits - CIO / Ubald Rutar)
Le Président du CIO, Thomas Bach, lors de l’annonce de la Ville Hôte des JO d’hiver 2022 (Crédits – CIO / Ubald Rutar)

De quoi décupler le travail de conviction des Villes Candidates et de leurs lobbyistes auprès des membres du CIO. De quoi aussi rajouter une dose supplémentaire de suspens le jour du scrutin, ce qui évidemment ne sera pas pour déplaire à l’institution centenaire de Lausanne.

En réduisant le montant du droit de candidature – 250 000 dollars (227 730 euros) contre 650 000 (592 100 euros) – le CIO devrait d’ailleurs connaître un premier succès : celui de voire plus de villes se porter candidates à l’avenir. Ce qui là aussi ne sera pas pour déplaire à ses intérêts et à ceux de ses sponsors.

11 pensées

  1. Le droit d’utiliser les anneaux olympiques et d’être officiellement candidate dès le 15 septembre, sera indéniablement un plus pour toutes les villes en lice. Un plus dans leurs efforts de comm’ mais surtout dans la recherche de partenaires économiques.

    Mais elles ne devront pas brûler les étapes, en effet la communication internationale n’interviendra pas avant la troisième et dernière phase de candidature, soit de janvier à septembre 2017, mois de l’élection. Ce changement de règles à un autre effet : la visite de la commission d’évaluation dans les différentes villes sera réduite en temps. Mais selon Christophe Dubi (Directeur des Jeux Olympiques au sein du CIO) « les membres du CIO auront en plus du document technique, des éléments visuels leur permettant de mieux découvrir les villes ».

    Par ailleurs, avec un nombre important de candidatures, le jour du vote s’annonce complexe pour les votants et pour les candidates. Comment gérer et avec quelle stratégie le report des voix, tour après tour?

    Avec une telle configuration, la bataille va être acharnée. Cette élection fera incontestablement figure de test pour les échéances qui suivront…

  2. Autant dire que le vote final ressemblera à une véritable loterie et que la course au lobbysme sera décuplée dans les mois précédents l’élection. À 5-6 candidates, c’est gérable et cela amène un peu de piquant au processus, mais à 8,9 ou 10 candidates, cela deviendrait vite difficile à gérer. Les petites alliances entre amis (et les petites trahisons sur le plancher) vont être encore pires qu’avant, pour pouvoir s’assurer du report de voix.

    L’avantage est que personne ne pourra prédire le résultat du vote, à moins qu’une candidature ne se démarque réellement. Ce qui reste toujours possible. Mais avec ce système où tout le monde est présent le jour du vote, les mauvaises surprises pourraient arriver vite. Certains votants pensant qu’une ou deux villes se détachent pourraient en soutenir d’autres, afin de leur éviter une humiliation trop grande.

  3. Je trouve cette réforme très intéressante. Le favori pourrait très bien être le dernier. Cependant. Je reste dubitatif sur la suppression pur et simple de la phase des villes requérante. En effet, je pense qu’il serait nécessaire de la maintenir, peut-être sur un laps de temps plus court. En effet, certaine candidature pourrait devenir plus fantaisiste que réaliste. La phase de réquérance pourrait ainsi éliminer ces candidatures mais aussi les candidatures jugées peu crédibles ou nécessitant la construction de quasiment tous les équipements sportifs.
    Peut-être pour réduire le nombre de ville candidate, qui pourrait subir une inflation, une rotation continentale pourrait être mis en place.

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