JO 2024 : La candidature de Rome, une mauvaise idée selon la presse italienne

Le 15 décembre dernier, le Président du Conseil Italien, Matteo Renzi, a officiellement annoncé la candidature olympique de Rome pour les Jeux d’été de 2024.

Une annonce qui se profilait depuis plusieurs semaines déjà et dont la révélation devait permettre de faire oublier le retrait prématuré de l’Italie de la course aux JO 2020, faute d’un soutien gouvernemental suffisant.

Cette fois-ci, en annonçant en personne la candidature du pays, Matteo Renzi a tenu à affirmer le positionnement des autorités et des institutions italiennes et ce, dans un souci de crédibilité à l’égard des décideurs olympiques et de volonté d’obtenir l’événement olympique que Rome attend depuis 1960, Turin ayant apporté les Jeux d’hiver à l’Italie au début de l’année 2006.

Mais malgré le soutien inconditionnel des pouvoirs publics, la candidature de Rome ne fait pas l’unanimité.

Les premiers sondages d’opinion réalisés après l’annonce de la candidature seront d’ailleurs intéressants à analyser, surtout en ce qui concerne la perception des Jeux et le coût de ces derniers.

Car un territoire et sa population peuvent être enclins à accueillir les Jeux, mais ne pas pour autant vouloir supporter les dépenses parfois pharaoniques engendrées par un tel événement.

Cette problématique se constate aisément à Boston (États-Unis) actuellement. Les citoyens du Massachusetts veulent les Jeux mais ne souhaitent pas payer l’organisation de ces derniers.

Un paradoxe, peut-être, mais surtout une question de logique compte-tenu de l’envolée des coûts d’organisation des dernières éditions olympiques, estivales (Pékin 2008) ou hivernales (Sotchi 2014).

Dès lors, quelle stratégie peuvent adopter l’Italie et sa capitale pour convaincre une population encore sous le coup de la crise économique et sociale ?

D’ores et déjà, le Président du Comité Olympique Italien (CONI), Giovanni Malago, a annoncé son intention de proposer un concept de Jeux ‘low-cost’, reposant en priorité sur les équipements existants – le Foro Italico par exemple – et sur l’aménagement d’installations temporaires, facilement démontables après les festivités olympiques.

Mais cette proposition sera-t-elle suffisante pour écarter l’idée d’un projet fondé sur un investissement global de 10 milliards d’euros comme cela était annoncé pour la candidature de Rome 2020 ?

Rien n’est moins sûr, d’autant plus lorsque l’on sait les dérives que peuvent connaître certains chantiers, comme la Citta dello Sport imaginée par l’architecte espagnol, Santiago Calatrava et dont les voiles peinent à se déployer dans le quartier de Tor Vergata.

rome-citta-dello-sport-vue-aérienne

Aujourd’hui, les médias italiens doutent de la pertinence d’une nouvelle candidature de la capitale et estiment même qu’il s’agit d’une mauvaise idée, tant au regard des finances exsangues de la ville que de l’intérêt possible de la mafia pour les futurs appels d’offres liés à la candidature et le cas échéant, à l’organisation.

Ainsi, l’anthropologue Amalia Signorelli, rappelle dans « Il Fatto Quotidiano », qu’en à peine un an, « trois gros scandales ont éclaté en Italie : l’Exposition Universelle de Milan [alors qu’elle doit s’ouvrir en mars 2015, des soupçons d’appels d’offres truqués ont vu le jour début 2014], le projet Mose [acronyme de MOdulo Sperimentale Elettromeccanico] à Venise, lié à la construction d’une digue de protection de la lagune, et Mafia Capitale » avant de lancer que « si un pays avec un tel curriculum vitae pense sérieusement à accueillir les JO, eh bien alors, en plus de l’honnêteté, notre pays a perdu tout sentiment de honte ».

Un jugement des plus sévères à l’égard de la candidature mais avant tout de la classe politique, impuissante ou complice des différents dérapages mentionnés.

Pour le journaliste Marco Castelnuovo, l’idée d’une candidature est également une gabegie annoncée au regard des projets inachevés (Citta dello Sport) mais aussi de l’héritage de Turin 2006.

Comme il le mentionne ainsi dans les colonnes de « La Stampa », « nous sommes incapables de gérer des bâtiments construits à l’occasion des grandes manifestations sportives une fois celles-ci terminées ».

Une problématique qui n’est malheureusement pas propre à l’Italie.

La Grèce en a ainsi fait l’amère expérience avec les Jeux d’Athènes 2004 et le lourd héritage persistant, plus de dix ans après l’extinction de la flamme olympique.

Toute la réflexion des autorités politiques et sportives – et du futur Comité de Candidature – devra donc reposer sur la planification à court et long terme de l’aménagement envisagé. Cela devra bien sûr concerner les infrastructures sportives indispensables aux JO, ainsi que les équipements structurants le territoire comme les axes de communication ou encore les installations dédiées à l’hébergement des athlètes, des médias internationaux et de la Famille olympique.

Là encore, l’expérience du passé devra être pleinement étudiée et analysée et ce, dans le but de ne pas reproduire certaines erreurs.

La déshérence récemment évoquée de l’ancien Village Olympique des JO 1960 en est l’une des illustrations les plus flagrantes.

Faute d’un engagement des pouvoirs publics pour permettre la mise à disposition des futurs équipements à la collectivité et aux particuliers, mais plus encore leur entretien et leur gestion régulière, l’organisation des Jeux n’aurait aucune finalité bénéfique pour le territoire, hormis de grever encore davantage une ville dont la situation financière demeure critique.

Illustration : Vue aérienne de la Citta dello Sport (Crédits – Progretti Concorsi)

6 pensées

  1. Boston qui ne semble pas soulever les foules, Rome qui a du plomb dans l’aile au regard de la situation économique catastrophique de la ville, Paris qui hésite encore, l’Allemagne suspendue à un référendum berlinois en septembre prochain, l’Afrique du Sud prête à jeter l’éponge pour se concentrer sur sa candidature aux Jeux du Commonwealth 2022, Istanbul qui la joue très discrète quant à ses ambitions potentielles, le Qatar qui devrait aussi passer son tour, décidemment en y regardant bien, 2024 s’annonce de plus en plus comme un remake potentiel de 2022…

  2. « Cette problématique se constate aisément à Boston (États-Unis) actuellement. Les citoyens du Massachusetts veulent les Jeux mais ne souhaitent pas payer l’organisation de ces derniers ».

    Très juste, mais il est utopique qu’ils puissent penser çà et que cela puisse arriver…L’économie mondiale étant de plus en plus versatile et difficilement imprévisible, il est impossible de sécuriser des investissements privés sept ans à l’avance et de ne pas avoir recours à des fonds publics pour de tels événements. De plus, qui épongera les inévitables hausses de coûts des chantiers d’infrastructures? Les budgets prévus dans le candidatures sont systématiquement dépassés.

Laisser un commentaire