JO 2024 : « Les chances de la France sont relativement limitées aujourd’hui »

Avant la présentation des travaux menés par les ateliers thématiques « Ambition Olympique », le 04 novembre prochain, Armand de Rendinger s’est livré à une analyse des échecs passés et des conditions de succès pour une candidature future, en publiant un ouvrage intitulé « La tentation olympique française ».

Spécialiste de la question olympique, Armand de Rendinger a participé à trois candidatures tricolores (Albertville 1992, Paris 2008 et Paris 2012) et à neuf candidatures étrangères dont Nagano 1998, Sydney 2000 ou Sotchi 2014.

Ce week-end, dans le cadre de l’émission radio de RTL, « La curiosité est un vilain défaut », Armand de Rendinger a évoqué les caractéristiques françaises et notamment l’arrogance supposée des dirigeants tricolores dans la préparation et la promotion des dossiers olympiques.

Selon lui, « l’envie, le travail, l’image [permettent de faire la différence mais] surtout, on ne se vend pas.

Ce sont les gens qui nous achète ».

Afin de parvenir à séduire le Comité International Olympique (CIO) et les 115 membres votants, Armand de Rendinger fait le même constat que Jean-Claude Killy, ex-membre du CIO et Président de la Commission de Coordination des Jeux de Sotchi 2014.

Comme il le rappelle ainsi, « le CIO n’est plus le même qu’il y a 30 ou 40 ans. Aujourd’hui, nous avons devant nous des businessmans.

L’argent est un élément majeur au sein du CIO aujourd’hui. C’est devenu une cash-machine.

Il était exsangue en 1980, aujourd’hui il dispose de plus d’un milliard de dollars de réserves. On pourrait boycotter une Olympiade, cela ne poserait pas de problèmes au CIO.

Organiser les Jeux Olympiques mais aussi préparer une candidature, ça coûte très cher. C’est un investissement majeur. Pour faire une candidature aux JO d’été, c’est 100 millions d’euros minimum… pour ne pas être sûr de gagner ».

La tentation olympique française

Un investissement massif et une mobilisation de moyens exceptionnels. Sans doute un élément qui freine certains pays et certaines villes à travers le monde, mais aussi en France.

Quasi-absente du débat des dernières élections municipales, la question d’une nouvelle candidature de Paris pour les Jeux d’été de 2024 a depuis été évoquée à plusieurs reprises par Anne Hidalgo, Maire de la capitale.

Frileuse à l’idée de présenter un nouveau projet, après le cuisant échec pour l’édition 2012, la Première Magistrate de Paris estime qu’il faut un nécessaire et impératif partage des coûts. Que cela concerne la candidature ou l’organisation même de l’événement.

Mais outre la légitime question du financement, une autre problématique doit être prise en compte par les responsables français si ces derniers souhaitent obtenir l’organisation des JO : la stratégie d’influence et le lobbying.

Comme le mentionne Armand de Rendinger, la candidature de Paris 2012 a été l’illustration d’une faiblesse sur cet élément.

« Comme à chaque élection, chaque membre des candidatures va voir les membres du CIO jusqu’à la dernière minute.

C’est ce que nous n’avons pas effectué.

Il faut convaincre les membres, expliquer que la candidature est la meilleure, que les autres – tout en restant fair-play – ne valent pas la peine que l’on vote pour eux, et les Londoniens ont fait un travail remarquable en la matière.

Paris était pourtant largement favorite, et j’ai ma part de responsabilité, d’autant plus que j’étais directeur des relations internationales. J’étais donc en charge de consolider toutes les informations et de les communiquer à Bertrand Delanoë, à Jacques Chirac, au Premier Ministre, à l’ensemble du Comité de Candidature, pour expliquer où nous en étions au niveau des pronostics.

Nous étions les favoris, nous avions un dossier technique béton, jusqu’à trois mois du vote ».

Sur ce point précis, Armand de Rendinger livre une analyse susceptible de froisser certains responsables, notamment syndicaux.

Selon lui en effet, la manifestation organisée le jour même de la visite de la Commission d’évaluation des Villes Candidates aux JO 2012, a fait perdre « une ou deux voix ». Certains membres n’auraient pas vu d’un bon œil les critiques à l’égard du CIO et des JO.

Comme le rappelle ainsi Armand de Rendinger, « il ne faut pas interdire de manifester.

Mais il y a plus d’une centaine de membres du CIO qui votent. La moitié d’entre-eux sont dans des régimes qui n’ont pas forcément la même approche démocratique que la France.

Donc à partir de là, il faut retenir la leçon. On a perdu à quatre voix, c’est-à-dire deux individus ».

Néanmoins, au-delà de cette analyse, Armand de Rendinger estime que le ralentissement de la dynamique française pour 2012 trouve en partie son origine dans « le démarrage d’une querelle des égos pour savoir, si on gagne, qui va prendre la présidence, qui va prendre la direction de cette organisation, qui apporte une légitimité et une autorité dans le pays ».

« Bertrand Delanoë avait réussi un consensus fantastique entre la Droite et la Gauche, il avait permis la création d’un casting olympique fantastique et ce casting a volé en éclats après la visite de la Commission d’évaluation du CIO.

C’était rattrapable dans les dernières heures, mais personne ne voulait rencontrer les membres du CIO. Parce qu’on ne sait pas faire et on ne veut pas faire !

J’ai alors voulu rester auprès des membres du CIO après le vote. Et j’ai appris qu’un tas de gens se sont éloignés de nous car nous étions arrogants, condescendants, et que nous n’avions pas travaillé jusqu’au bout.

Trois d’entre-eux ont même voté pour Londres car persuadés que Paris gagnerait largement, il ne fallait pas humilier Londres pour lui permettre de candidater pour la prochaine fois ».

Paris perdus

Faiblesse des dernières candidatures françaises, le lobbying semble depuis être l’une des priorités du Mouvement sportif français et des pouvoirs publics.

Une cellule diplomatique a notamment été mise en place au sein du Ministère des Affaires étrangères, avec la participation de Jean Lévy en qualité d’Ambassadeur aux Sports. Le Comité Français du Sport International (CFSI) a par ailleurs été institué il y a quelques années afin de favoriser la représentation française à travers les grandes institutions sportives de la planète et de promouvoir les projets de candidatures de la France à l’organisation de grands événements.

Cela sera-t-il suffisant pour remporter les Jeux de 2024 ? Sans aucun doute, non. La France devra apporter des éléments techniques et promouvoir une nouvelle vision des Jeux en rapport avec les attentes d’un CIO en bouleversement à l’aube d’une réforme majeure.

Pour Armand de Rendinger, « les chances de la France sont relativement limitées aujourd’hui et ce, pour de multiples raisons.

La première, c’est que nous n’avons pas fait tout le travail de réflexion sur les erreurs passées. La deuxième, c’est que pour avoir les Jeux Olympiques, il faut être fidèle aux membres du CIO, il faut être fidèle au CIO. Cela veut dire, être constamment auprès d’eux, s’intéresser à ce qu’ils font, les recevoir, aller chez eux.

Les pays qui ont été candidats plusieurs fois, qu’ils aient perdus ou pas, restent fidèles à chacun des membres du CIO.

Les membres du CIO voyagent beaucoup. Si par exemple ils arrivent à Roissy et qu’ils ne sont pas reconnus comme membres du CIO, ils sont très étonnés : ‘comment la France, la fille ainée de l’Olympisme, la fille ainée de Coubertin, ne reconnaisse pas les membres du CIO lorsqu’ils viennent à Paris incognito ?’

Tout est prétexte pour comprendre pourquoi la France est capable ou pas capable d’avoir les Jeux Olympiques ».

Un constat simple mais qui démontre pourtant la complexité du CIO, de son fonctionnement et de ses traditions, entre archaïsme et corruption et de la nécessité de bien comprendre cette machine atypique pour espérer obtenir ses faveurs.

Selon Armand de Rendinger, le Mouvement sportif français a aujourd’hui la motivation et la méthode pour présenter un nouveau projet olympique.

Car avant toute chose, une candidature doit être portée par le Mouvement sportif et les sportifs et non les dirigeants politiques, comme cela fut pourtant le cas pour Paris ou dernièrement, pour Annecy 2018. Mais « est-ce que l’on se pose les bonnes questions ? »

Néanmoins, « pourquoi nous n’investissons pas dans les membres du CIO ? Ce sont eux qui votent. Il ne s’agit pas d’investir pour soi-même. Pourquoi le CIO attribuerait les Jeux à la France, qu’est-ce que cela rapporterait au CIO ?

Le CIO est très ouvert pour l’universalité, pour ouvrir à de nouveaux peuples, à de nouveaux marchés économiques. La France doit apporter quelque chose de très original et qui place le CIO dans le futur et non dans le passé.

Il y a aujourd’hui deux choses qui freinent la France : premièrement, nous n’avons pas investi dans les membres du CIO, qui sont toujours présents et qui se souviennent de nos échecs. Cela est un handicap majeur. Deuxièmement, il est grand temps de changer de génération ! La génération des jeunes doit ‘prendre le pouvoir’ avec les athlètes, dans les instances fédérales, dans les instances sportives. Il faut que la France soit davantage représenter dans le Mouvement olympique et dans les institutions sportives.

Nous avions une icône exceptionnelle en la personne de Jean-Claude Killy, et nous avons eu de cesse de le vilipenderpour deux raisons. D’une part, il ne vivait pas en France et les membres du CIO se posent des questions : ‘Pourquoi une icône de cette nature vit à l’étranger ?’ Problème, est-ce que l’on est capable de retenir nos athlètes et nos jeunes ? D’autre par, Jean-Claude Killy a démissionné, il a quitté le CIO parce que nous l’avons accusé de connivence avec Poutine dans les Jeux de Sotchi. Alors oui, ce furent les Jeux de Poutine, mais le CIO avait voté pour Sotchi, donc à partir de là…

La France a des principes moraux, des principes politiques, des principes d’éducation. Elle peut les faire valoir, mais pas en donnant des leçons aux autres. Parce que le vote, ce n’est pas le CIO, c’est le membre de la Russie, c’est le membre du Japon, c’est le membre de la Corée ».

« Sport & Société » publiera prochainement une analyse détaillée de l’ouvrage publié par Armand de Rendinger, « La tentation olympique française ».

6 pensées

  1. Armand de Rendinger, même si il se culpabilise au détour d’une page, est largement responsable de la défaite de la France lors de toutes les candidatures de notre pays. Il est le type même de l’entremetteur (lobbyste ?) qui ventile. Il n’ârrive pas à la cheville de ses concurrents étrangers. Il peut donner des leçons mais quelle est sa légitimité ? Celle d’un loser.
    Quant à rappeler que Jean-Claude Killy aurait pu être un levier pour la victoire française, de Rendinger est encore dans l’erreur. Killy n’a jamais rien fait pour faire gagner la France au CIO. Il était bien plus intéressé de faire gagner sa ville pour les épreuves de ski (Championnat du Monde en particulier). La preuve: il aime tellement la France…qu’il n’y habite pas !

    1. Cher Pierre,

      Armand de Rendinger a déjà reconnu sa part de responsabilité dans la défaite de Paris 2012. Or, il s’agit bel et bien d’une défaite collective car au-delà des apparences et du statut de favorite de la ville de Paris, la candidature a été fortement perturbée par les luttes intestines. Dans une autre mesure, on peut aussi évoquer le cas de la candidature d’Annecy 2018.

      Quant à savoir si Jean-Claude Killy a fait son « devoir ». Oui, en permettant l’obtention des JO d’hiver d’Albertville 1992. Ensuite, il a eu l’occasion à plusieurs reprises de poser ses recommandations et ses suggestions. Mais bien souvent, les responsables de candidatures ont préféré avancer sans écouter Killy pourtant membre du CIO et à cet égard, fin connaisseur des rouages de l’institution.

      1. Monsieur Bernardi,

        Merci pour cette mise au point, reposant plus sur une conviction réfléchie que sur une certitude affirmée. Tout en partageant, et pour cause, votre point de vue, je ne peux que vous en remercier.

      2. Cher Armand de Rendinger,

        Je vous remercie pour ce commentaire ainsi que votre précédent.
        Il est en effet essentiel de pouvoir débattre sereinement sur des bases claires et réfléchies, au-delà des questions de personnes.

    2. Monsieur Grimbert, belle et grande certitude me concernant: illégitimité, loser … Effectivement je remarque qu’une fois de plus  » nul n’est prophète dans son pays », encore que, j’ai la faiblesse de constater que votre affirmation n’est pas partagée par nombre de personnes (françaises et étrangères). Cependant la liberté d’expression est toujours utile, même si elle prête à contestation. Question de crédibilité sans doute et peut-être d’expérience (incluant succès et insuccès)…

      Concernant votre commentaire sur Jean-Claude Killy, permettez-moi, sans vouloir vous offenser et vous contraindre dans vos réflexions et certitudes, de ne pas en partager la teneur et les motifs.

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