Le gâchis olympique grec, dix ans après

Il y a dix ans jour pour jour, la Grèce devenait le plus petit pays à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été.

Le berceau des Jeux avait auparavant tenté de décrocher l’édition du Centenaire, à savoir celle de 1996. Néanmoins, face à la concurrence américaine mais aussi au regard de l’instabilité économique du pays, la Grèce et la candidature d’Athènes furent éliminées au profit des États-Unis et d’Atlanta.

Avec les Jeux de 2004, Athènes s’est engagé dans l’aménagement de complexes sportifs ultra-modernes si ce n’est futuristes, à l’image des courbes d’acier du Stade Olympique de Maroussi.

Athènes 2004 - Stade Olympique en 2012

Mais la capitale grecque ne s’est pas limitée à la construction d’infrastructures purement sportives puisqu’elle a aussi mis en œuvre des chantiers sur l’ensemble de son territoire : infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires sans oublier des aménagements pour une meilleure accessibilité des vestiges antiques grecs.

Dix ans plus tard, un constat contrasté peut être dressé.

Certes, les investissements réalisés dans le cadre des projets touristiques et de transport ont été bénéfiques à la ville.

Ils ont permis d’inscrire Athènes dans le XXIe siècle en la dotant d’installations dignes d’une capitale européenne : nouvelles lignes de métro, retour du tramway disparu au début du XXe siècle, aménagement du périphérique autoroutier Attiki Odos (environ 60 kilomètres), construction d’un réseau de transport suburbain, équivalent de notre RER francilien.

Ces travaux se sont doubler d’une mise en valeur du patrimoine architectural et archéologique de l’une des premières capitales au monde. Des sentiers pédestres ont ainsi été édifiés et le chantier du Musée archéologique, en contrebas de l’Acropole, a été accéléré.

Athènes 2004 - piscine de plongeon

En revanche, sur le plan sportif, l’héritage est tout autre. Une étude sera prochainement menée afin de déterminer les impacts des Jeux sur l’économie du pays, mais aucun doute ne subsiste sur les erreurs de l’organisation.

En effet, Athènes s’est rapidement retrouvée au cœur d’un défi qui s’est avéré insurmontable : gérer l’ensemble des installations et assurer leur reconversion. Toutefois, faute d’une planification de la part des autorités grecques et du Comité d’Organisation des JO 2004, les sites ont majoritairement été laissés à l’abandon. Seuls 30% des enceintes olympiques ont trouvé un repreneur à l’issue de l’événement. Trop peu pour assurer le succès post-olympique.

Plusieurs raisons à cela.

Tout d’abord le coût d’entretien et de mise en sécurité (50 à 100 millions d’euros chaque année) et ensuite, l’absence de grands événements permettant une éventuelle rentabilité des installations.

Ainsi, hormis l’accueil de la finale de la Ligue des Champions 2005 de football, le Stade Olympique n’a plus accueilli de manifestations sportives d’envergure internationale. Il en est de même pour le Centre Aquatique situé à quelques mètres ou encore pour les stades de baseball, softball ou hockey-sur-gazon près de l’ancien aéroport Hellinikon.

Athènes 2004 - stade de beach volley

Ce dernier est lui aussi l’illustration parfaite d’une mauvaise prise en compte de la planification post-olympique. Initialement, le projet olympique comprenait l’aménagement des stades à proximité d’un futur parc urbain et touristique.

Dix ans ont passé et le projet d’aménagement n’a pas vu le jour. Une esquisse a cependant été présenté récemment et pourrait aboutir à la réalisation d’un pôle touristique majeur sur le continent européen. Reste encore à ce que les investisseurs tiennent leur promesse en déboursant 5,9 milliards d’euros sur quinze ans et, une fois achevée, à ce que les touristes affluent en masse de Grèce et de l’étranger. Mais rien ne permet de garantir aujourd’hui la réussite de ce projet.

Le Comité International Olympique (CIO) avait pourtant, implicitement, mis en garde les organisateurs olympiques concernant les notions d’héritage et de développement durable.

En 2003, dans le Rapport de la 115e Session de l’institution de Lausanne, Richard W. Pound, alors Président de la Commission d’étude des JO, avait pointé le fait que « la maintenance après les Jeux, d’un site sous utilisé, peut être un fardeau financier considérable pour la Ville Hôte et, en fin de compte, s’avérer contreproductif par rapport à l’usage pour lequel le site était prévu à l’origine ».

Athènes 2004 - piscine d'entrainement

Face aux retards inédits rencontrés par les organisateurs grecs, ces derniers sont restés sur leur ligne de conduite et ont continué l’aménagement de l’ensemble des installations sportives. Au final, en construisant toutes les enceintes, la Grèce s’est retrouvée face à d’immenses « éléphants blancs », ces sites bétonnés qui illustrent bien souvent le gâchis olympique.

Sur ce point, Londres a sur retenir la leçon, de même que Tokyo pour les Jeux de 2020.

Plutôt que de partir de zéro et de tout édifier en l’espace de sept ans, mieux vaut disposer dès le départ, d’une base d’installations suffisamment importante pour garantir un coût d’aménagement relativement modeste, même si, il ne faut pas l’oublier, l’organisation des Jeux demeure une entreprise onéreuse.

Londres a ainsi choisi d’aménager et de démanteler une partie des équipements des JO 2012 à l’instar de la piscine de water-polo ou de la basket-ball arena. Tokyo pour sa part va compter sur l’héritage des JO 1964 tout en aménageant des installations temporaires ou qui seront assurées d’une réutilisation des plus efficaces.

Comme Montréal 1976, Athènes 2004 s’est inscrite – volontairement ou involontairement – dans la lignée des erreurs à ne pas faire et à ne pas reproduire. La fête olympique – légitime au regard de l’Histoire grecque – aurait pu être totale si les pouvoirs publics avaient pris à temps la mesure du défi olympique.

Athènes 2004 - entrée du Village Olympique

En se satisfaisant de la désignation par le CIO et en minimisant les retards jusque dans les derniers mois de préparation, les organisateurs grecs ont contribué à ternir l’image des Jeux et à renforcer l’argumentation visant à dénoncer le « gigantisme » de ces derniers.

Nul doute que la réforme à venir du Mouvement olympique (Agenda 2020) reviendra sur les échecs athéniens afin de proposer un modèle nouveau d’organisation des Jeux. Un modèle plus sobre, plus responsable, plus social et plus écologique. L’inverse d’Athènes 2004 en somme.

Illustrations :
– Stade Olympique et torche des Jeux d’été 2004 (Crédits – AP)
– Piscine olympique de plongeon (Crédits – Getty Images / Milos Bicanski)
– Stade de beach-volley (Crédits – Reuters / Yorgos Karahalis)
– L’une des piscine d’entraînement des JO 2004 (Crédits – Getty Images / Milos Bicanski)
– Vue de l’entrée du Village Olympique (Crédits – Reuters / Yannis Behrakis)

13 pensées

  1. Bonjour Kevin. Et félicitations pour ton travail sur ce blog. Je suis très content de suivre régulièrement ces informations. J’ai deux questions à te poser :

    1. La rédaction des articles est-elle réalisée par tes soins sur la base de diverses sources ou les articles sont ils rédigés par des externes et tu relayes l’information ?

    2. Je suis également doctorant (pour ma part en sciences de gestion) et travaille sur les grands projets publics. Je dispense également un enseignement en management de projet et je compte me servir de certains de tes articles pour illustration de cas.
    M’autorises-tu à cela ?

    Merci d’avance pour tes réponses.
    Cordialement.
    Simon

    1. Bonjour Simon,

      Je te remercie sincèrement pour l’intérêt que tu portes à mes publications.

      L’ensemble des articles sont rédigés par mes soins, sur la base d’éléments divers, de mes connaissances sur telle et telle dossier particulier, en ayant toujours à l’esprit d’apporter une touche de réflexion.
      Je suis seul et unique rédacteur de l’ensemble des documents ici présentés 🙂

      Bien entendu, je t’autorise à te servir de mes articles. Si seulement tu peux évoquer la source. Mais sinon, aucun problème !

      Bien cordialement,
      Kévin

      1. Il m’est d’évidence de citer mes sources, je ne manquerai donc pas à mes obligations.
        Les sujets que tu traites sont essentiels à mon sens, encore félicitations et bon courage dans ta quête doctorale.
        Simon

      2. Merci à toi et courage également !

        N’hésite pas à venir aussi souvent que tu le souhaites, commenter et partager mes articles.
        Cette semaine a été l’occasion de réaliser mon 500e article pour les catégories JO 2022 / JO 2024.

        D’ici septembre, d’autres publications arriveront bien sûr. J’ai toujours à l’esprit de réaliser des articles de fond avec un contenu et des apports 😉

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