JO 2024 : L’implantation problématique d’un Village Olympique près de Paris

Dans le cadre d’une nouvelle candidature de la capitale française à l’organisation des Jeux Olympiques d’été, l’implantation des différents sites sportifs sera bien sûr l’un des enjeux majeurs concernant la réalisation d’un solide projet technique.

Mais au delà de cet aspect – la région parisienne possédant déjà plusieurs sites de grande capacité – la véritable question qui devra être posée sera celle de l’aménagement d’un village capable d’accueillir plus de 17 500 personnes, à savoir le Village des Athlètes.

Au cours des précédentes candidatures tricolores aux Jeux d’été, l’implantation de ce dernier a toujours été modifié et a toujours été un point de crispation à un moment ou à un autre de la campagne promotionnelle.

Village Olympique - Paris 1992

Pour l’Olympiade 1992, les partisans de la candidature parisienne avaient misé sur la construction d’un Village Olympique au cœur de la cité, dans le quartier de Bercy-Tolbiac. Avec cet emplacement, le Village aurait été dans le même secteur que le Palais Omnisports de Paris Bercy (POPB) mais surtout du Centre Aquatique.

Comme l’annonçait alors le dossier de candidature, « plus de 13 000 athlètes et accompagnateurs seront […] accueillis dans le Village Olympique construit pour la circonstance dans des conditions de normes et de confort optimales.

Outre l’aspect résidentiel, le Village Olympique dans un tel cadre champêtre, paradoxalement à l’intérieur de la ville de Paris, sera aussi un lieu privilégié de la fête olympique ».

Il faut dire en effet que Paris 1992 avait prévu l’aménagement, au milieu du Village, un « parc de 13 hectares, où les athlètes trouveront, dans la verdure, calme et détente ».

Cette situation unique et la position du Village par rapport aux principaux lieux olympiques constituaient alors un avantage certain du point de vue de la compacité du projet : « Le Stade Olympique est à 10 minutes en car, le Stade Nautique de Tolbiac et le Palais Omnisports de Paris Bercy à moins de 5 minutes à pied ».

Mais les autorités locales étaient allées plus loin dans leur volonté d’édifier le Village dans l’Est de Paris, notamment au regard des possibilités offertes par la densité des moyens de transports existants. Le dossier soulignait ainsi l’emplacement de « deux gares, deux lignes RER, les réseaux de métro et de bus [qui] permettent en quelques instants de découvrir le centre de Paris ou quelques sites prestigieux de la région Ile-de-France ».

Dans le détail, le Village des Jeux de 1992 devait servir de tremplin à la régénération urbaine de l’Est de la capitale. Plusieurs espaces avaient d’ailleurs été envisagés pour le confort des athlètes et des délégations.

« L’Équipe Magazine » présentait à l’époque le projet olympique comme novateur tout en s’inspirant directement du Village des Jeux de Los Angeles 1984, avec « une zone internationale, centre de vie du Village [comprenant] un centre commercial, des banques, une poste, une pharmacie, une librairie, une polyclinique de première urgence, des kiosques d’information, des cabines téléphoniques, des bars et des restaurations, un centre d’animation culturelle et le restaurant des athlètes, soit environ 25 000 m² ».

Paris 2008

Quelques années plus tard, pour l’échéance 2008, Paris avait fait le choix de la périphérie pour construire son Village Olympique. Ainsi, face au déjà célèbre Stade de France, le Comité de candidature de Paris 2008 avait souhaité l’édification du Village dans un quartier de 50 hectares sur les friches industrielles de Saint-Denis et ce, afin de permettre une régénération urbaine de cette proche banlieue parisienne, devenue par la suite un secteur très prisé par les grands groupes industriels.

Le Comité International Olympique (CIO) avait, dans son traditionnel rapport d’évaluation, rappelé la volonté parisienne d’édifier un tel complexe, « à proximité de site accueillant 13 sports, et notamment du Stade Olympique ». L’instance avait par ailleurs mentionné le fait que l’aménagement « tout en longueur (1,8 km) » aurait nécessité la création de « trois entrées, la principale étant située dans la zone internationale, à l’extrémité sud ».

Mais outre cette organisation atypique, d’autres problèmes avaient à l’époque été soulevés par la Commission d’évaluation, en particulier au niveau des transports et de la sécurité aux abords du site.

Ainsi, « la proposition d’établir un centre des transports à l’intérieur du village a fait l’objet de nombreuses discussions. Il existe actuellement sur le site un dépôt de bus qui serait utilisé pour les Jeux, mais il serait difficile de contrôler les accès et la sécurité sur la route menant au village. En outre, il semblerait qu’il y ait des risques d’embouteillages et des problèmes d’accès pour les bus circulant aux abords du village, ce qui augmenterait les retards et les incertitudes quant aux trajets des athlètes vers les sites répartis à travers la ville. Ce concept a besoin d’être revu« .

De plus, la Commission avait pointé le fait que « le village sera entouré d’une zone de logements publics et de petites industries durant les Jeux.

L’ensemble du site pose des problèmes de sécurité qui nécessiteront des mesures de sécurité supplémentaires ».

Ces différents griefs à l’égard de la candidature parisienne avaient contribué à l’affaiblissement du dossier français face à la grande favorite Pékin (Chine) mais aussi Toronto (Canada) ou encore Istanbul (Turquie).

Village Olympique - Quartier des Batignolles

Pour les Jeux de 2012, la capitale française avait cette fois recentré le projet du Village Olympique dans Paris intra-muros – dans le XVIIe arrondissement précisément -, avec la volonté d’aménager les friches industrielles situées à proximité de la Gare Saint-Lazare.

En plein cœur du quartier des Batignolles, ce village se voulait à la fois espace de repos et de détente, au milieu d’un nouveau parc urbain respectant les dernières normes environnementales en vigueur.

Toutefois, malgré l’échec du projet parisien, le dossier relatif au réaménagement du secteur Clichy-Batignolles (54 hectares) a vu le jour, avec notamment l’implantation d’un jardin de 10 hectares, des immeubles et des bureaux, non loin du futur siège du Palais de Justice de Paris.

Mais aujourd’hui, en l’absence de site suffisamment grand, un dossier olympique français ne pourra pas mentionner l’implantation du Village Olympique dans la ville.

Dès lors, la réflexion doit être portée sur l’édification d’une telle infrastructure en périphérie de Paris.

Le secteur de la Plaine-Saint-Denis ayant déjà été présenté – et en l’occurrence fortement vilipendé – il faudra se tourner vers d’autres lieux suffisamment symboliques et dont l’aménagement pourra répondre aux exigences du CIO, notamment en matière de durabilité et de respect de l’environnement.

Dans le cadre d’un projet porté par le territoire du Grand Paris, un Village Olympique pourrait éventuellement être imaginé près du futur Grand Stade d’Évry / Ris-Orangis. Mais son éloignement du cœur de Paris pourrait fort logiquement handicaper le dossier français et ce, alors même que la zone envisagée est aujourd’hui dépourvue de toute construction individuelle ce qui sous entend l’absence de procédure contraignante telle que la pratique de l’expropriation.

Le problème peut également se poser avec le secteur du Sud-Ouest de Paris et de Versailles. Là encore, un éloignement de certaines sites majeurs de la capitale ou proches de celles-ci (POPB, Stade de France…) constituerait une faiblesse pour le projet olympique.

Dès lors, pourquoi ne pas envisager la construction du Village des Athlètes sur le territoire communal de Colombes ?

Lieu des principales épreuves olympiques lors des Jeux Olympiques d’été de Paris 1924, cette ville de la petite couronne (Nord-Ouest) pourrait symboliquement être mise à contribution pour héberger, le temps de l’Olympiade, les milliers d’athlètes en 2024.

« Colombes a accueilli le Stade et le Village Olympique en 1924, mais je ne suis pas là pour défendre un territoire plutôt qu’un autre mais pour dire : pourquoi pas ! Le débat mérite d’être ouvert ».

Ce choix, évoqué par le député socialiste des Hauts-de-Seine, Alexis Bachelay, aurait l’avantage de répondre à l’exigence du Grand Paris, mais aussi à la nécessité de réduire les temps de trajet entre les différents sites.

Colombes - Paris

De fait, en étant implanté à égale distance – ou presque – du Stade de France, du cœur de Paris et de Roland Garros, ce Village Olympique pourrait être l’une des pièces maitresses d’un éventuel projet olympique français pour 2024.

Mais une double question interviendra cependant et ce, quelque soit le site choisi pour l’implantation du Village : son coût – souvent supérieur au milliard d’euros et sa reconversion post-olympique.

Avant cela, il faudra se pencher sur l’espace disponible et surtout savoir si les autorités locales seront favorables à un aménagement de ce type. Le débat sur ce point aura lieu après l’échéance des municipales, en mars prochain.

Illustrations :
– Projet d’aménagement du Village Olympique des Jeux de 1992 dans le quartier de Bercy Tolbiac
– Carte des sites olympiques de Paris 2008
– Projet d’aménagement du Village Olympique des Jeux de 2012 dans le quartier des Batignolles
– Carte avec les villes de Colombes (A) et Paris (B) ainsi que la position géographique du Stade de France (C)

17 pensées

  1. Merci pour cet article très instructif. Le débat risque d’être intéressant à l’issue des municipales. J’ai une question pour vous :
    Vous aviez l’air de conclure sur le rôle et le pouvoir des municipalité à porter un tel projet. Pensez-vous le passé communiste de la ville de Colombes et son ancrage politique de gauche pourraient avoir un impact sur la réalisation d’un projet de village olympique sur son sol (les avis sont partagés, mais on peut souvent lire des critiques sur l’évènement des JO, du fait qu’il profite au monde capitaliste (http://goo.gl/wB0GIk)) ou est-ce qu’au contraire, l’enjeu national est trop important pour que les municipalité aient leur mot à dire ?

    1. Merci pour votre compliment 🙂

      Pour répondre à votre question, je ne pense pas que le passé communiste et l’ancrage actuel de Colombes puissent être un problème pour un projet olympique, et en l’occurrence, un possible projet d’implantation du Village Olympique.

      Deux raisons à cela :

      – L’enjeu national des Jeux effectivement, avec les retombées économiques et l’image de marque pour les villes ayant accueilli des épreuves / hébergé des athlètes,
      – La possibilité, après les Jeux, d’offrir un plus au niveau logement, avec plusieurs milliers d’appartements à louer et à vendre. Sur ce point précis, les exemples ne manquent pas (le Village de Londres étant devenu un quartier nouveau, de même que celui de Munich en 1972, Barcelone en 1992…).
      Le risque néanmoins, est que les prix soient inabordables pour beaucoup. Mais sur ce point, je pense que la municipalité pourrait avoir son mot à dire en permettant un certain % à destination de familles modestes par exemple.

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